RGPD - PREMIERE DECISION
COMMUNE DE PEPINSTER - DÉCISION DU 25 NOVEMBRE 2019 DE L’AUTORITÉ DE PROTECTION DES DONNÉES
Le 9 octobre 2018, Hélène Fondeur, candidate sur les listes pour les élections communales à Pepinster, a reçu un courrier de publicité électorale émanant du bourgmestre sortant (en poste depuis 2006).
Il y explique que s’il se permet de demander le soutien de cette citoyenne, c’est « parce que j’ai eu l’occasion de vous rencontrer lors d’un rendez-vous citoyen ou de recevoir un courrier de votre part dans lequel vous avez pu m’exposer les questions, les attentes ou les problèmes que vous rencontrez. »
Madame Fondeur n’a en réalité pas sollicité une rencontre avec le Bourgmestre mais a accompagné un voisin qui avait fait cette démarche. Elle en déduit donc que le bourgmestre-candidat a, sans l’en informer, récolté ses données et constitué une base de données réunissant également les données de tous les citoyens rencontrés dans sa charge de bourgmestre.
Le Bourgmestre écrit ce courrier sous en-tête de la commune de Pepinster, du cabinet du bourgmestre de ladite commune, et sous enveloppe du cabinet du bourgmestre et signe en qualité de bourgmestre de la localité. Il s’exprime donc au nom de la commune et avec des adresses et numéros de téléphone de contact relevant de l’autorité communale.
le Bourgmestre sortant a confirmé avoir établi cette liste sur base des rencontres avec des citoyens lui ayant demandé rendez-vous au cours de la législature 2012-2018, liste croisée avec celle des électeurs. Cette liste comprend 476 personnes. Outre les données des citoyens, était également conservé l’objet du contact. Or, en sa qualité de responsable du traitement des données, le Bourgmestre est tout spécialement tenu de respecter les principes de protection des données.
Selon le RGPD (Règlement général de protection des données, Parlement et Conseil européens, avril 2016), « les données à caractère personnel doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec ces finalités. » L’Autorité de protection des données a elle-même stipulé dans sa note « Elections » que « les données à caractère personnel des citoyens collectées dans le cadre d’un mandat échevinal ne peuvent être réutilisées pour l’organisation d’une campagne électorale. »
En mai 2019, la Chambre contentieuse de l’Autorité de protection des données avait déjà déclaré ce type d’utilisation des données personnelles incompatible avec la finalité première du traitement desdites données et donc non autorisé par le RGPD. Cette décision concernait des données utilisées par le bourgmestre d’une commune flamande et récoltées dans le cadre d’une procédure de permis de lotir.
La Chambre contentieuse a donc confirmé cette décision, ce qui fait de la présente affaire une première en Région wallonne. Elle a estimé que M. le Bourgmestre Godin avait agi non par négligence mais par intention délibérée. Elle considère que le statut de bourgmestre aurait dû s’accompagner d’un comportement exemplaire, tout particulièrement dans le contexte électoral.
Le bourgmestre de Pepinster, a été condamné, dans une décision du 25 novembre dernier, à une réprimande et à une amende administrative de 5.000 euros. Il peut faire appel auprès de la Cour des marchés. Le Bourgmestre avait déjà fait, pour la même élection, l’objet d’une condamnation de la part de la commission de contrôle des dépenses électorales du Parlement wallon.
Dans une décision connexe, la Chambre contentieuse a également condamné à une réprimande et à une amende administrative de 5.000 euros, un conseiller communal de Pepinster, qui, en tant qu’échevin sortant, a eu pour sa part recours à son fichier de clients en tant que vétérinaire pour envoyer des courriers électoraux.
Jacques PIRON, Avocat